« Si l’Europe échoue à défendre la science, elle échouera à défendre son avenir »
Face à l’offensive des Etats-Unis contre certaines thématiques scientifiques, 14 directrices et directeurs d’écoles d’ingénieurs et de management prennent la parole pour soutenir leurs confrères américains et appeler à défendre la liberté scientifique.
Les faits sont là, brutaux et inédits. La nouvelle présidence des Etats-Unis a engagé une offensive frontale contre certaines thématiques scientifiques. Censure des mots « climat » et « femme » dans les travaux scientifiques, suppression de bases de données essentielles, interdiction de certaines coopérations internationales…
L’éviction de Kate Calvin, coprésidente du groupe 1 du GIEC lors de la dernière session de cet organisme, en est un symbole glaçant. La première puissance scientifique mondiale érige un système de censure. Le constat est sans appel.
Face à cette dérive, nous, directrices et directeurs d’écoles d’ingénieurs et de management, prenons la parole en solidarité avec nos confrères américains. Car le silence serait une faute.
Alerter, parce que la science est un bien commun
Ce qui se joue n’est pas un simple différend. Ce n’est pas seulement le combat de quelques chercheurs. C’est la liberté fondamentale de produire et de partager des savoirs qui est attaquée. C’est le fondement même de nos sociétés modernes qui vacille.
La science n’est pas un luxe ni un supplément d’âme. Elle est notre lien pérenne avec le monde du réel. Elle est donc la clé qui permet aux sociétés d’affronter les défis majeurs de notre époque : climat, santé, technologies, souveraineté. La censurer, c’est désarmer l’humanité face à l’avenir. C’est appauvrir la pensée, brider l’innovation, compromettre les solutions de demain.
Nous appelons donc la communauté scientifique, les universitaires, les étudiants, mais aussi chaque citoyen européen, à prendre la mesure de cette offensive . Car chaque renoncement d’aujourd’hui est un recul pour demain. L’Europe ne peut pas se contenter d’observer. Elle doit se mobiliser. Elle a le devoir historique de montrer la voie, de porter une réponse ferme, forte et collective.
Refuge pour la liberté scientifique
Nos écoles d’ingénieurs et de management, par leur engagement dans des domaines stratégiques comme l’intelligence artificielle, la cybersécurité, la transition énergétique ou la santé numérique, incarnent cette volonté d’une science libre, ouverte et responsable. Nous faisons le choix de former des ingénieurs et des décideurs conscients des défis sociétaux, capables d’imaginer des solutions durables. Nous faisons le choix d’investir dans des recherches audacieuses, en lien étroit avec les industries et les besoins stratégiques européens.
Nous affirmons que l’Europe peut et doit être un refuge pour la liberté scientifique. Qu’elle doit attirer les chercheurs menacés, ouvrir des ponts académiques et renforcer les coopérations. Nous devons bâtir des écosystèmes capables d’accueillir et de financer les talents que d’autres veulent étouffer. Nous devons défendre l’excellence scientifique comme un pilier de notre souveraineté.
Les grands défis technologiques et écologiques de notre époque ne peuvent être relevés sans un investissement massif et cohérent dans la science. Ce n’est pas un choix. C’est une nécessité. Nous le disons clairement : chaque appauvrissement de la recherche, chaque retard dans la formation des ingénieurs, chaque compromis face à la liberté académique affaiblit notre avenir. Dans un monde où la cybersécurité, l’IA, la transition énergétique ou la souveraineté numérique sont les nouvelles lignes de front, investir dans la science, c’est investir dans la sécurité et l’indépendance de nos sociétés.
Défendre la science, défendre son avenir
Il ne s’agit pas d’un discours abstrait. Nous savons de quoi nous parlons. Nos écoles sont engagées, chaque jour, sur le terrain de l’innovation, de la recherche, de l’entrepreneuriat, aux côtés des industries et des institutions. Nous savons ce qu’il faut pour que l’Europe reste dans la course mondiale. Nous savons aussi ce que coûtera l’inaction.
L’Europe doit investir dans la formation, soutenir ses chercheurs, protéger la liberté académique, et favoriser l’innovation responsable. Non pas demain, mais aujourd’hui. Car d’autres avancent, et n’attendent pas. C’est avec gravité et détermination que nous prenons aujourd’hui la parole. Car si l’Europe échoue à défendre la science, elle échouera à défendre son avenir.
Nous appelons donc les pouvoirs publics, les institutions européennes, les entreprises et les citoyens à se mobiliser. À défendre la liberté scientifique avec la même énergie que nous défendons nos intérêts économiques ou notre sécurité. La science est un combat du présent. Il est temps d’agir.
Les signataires de cette tribune collective sont :
Anthony Briant, directeur de l’Ecole Nationale des Ponts et Chaussées.
Herbet Casteran, directeur de l’IMT Business School.
Thierry Coulhon, président du directoire d’IPParis.
Elisabeth Crepon, directrice générale de l’ENSTA.
Arnaud Delameziere, directeur de l’INSIC.
Francois Dellacherie, directeur de Télécom Sud Paris.
Cécile Dubarry, directrice générale de l’IMT.
Jacques Fayolle, directeur de Mines Saint-Etienne.
David Gesbert, directeur d’EURECOM.
Christophe Lerouge, directeur de l’IMT Atlantique.
Lionel Luquin, directeur de l’IMT Mines Albi.
Patrick Olivier, directeur de Télécom Paris.
Céline Fasulo, directrice de l’IMT Nord Europe.
Assia Tria, directrice de l’IMT Mines Alès.